mardi 3 juin 2014

Abdelkader Guermaz - Sans titre - 1972-1973

Couchée dans mon lit, je me suis laissée bercer pas la respiration rassurante de celui qui fait battre mon cœur depuis trois ans déjà.
Comme tous les soirs, j’ai attendu qu’il s’endorme, comme tous les soirs, j’ai écouté sa respiration si reposante. Et comme tous les soirs, je suis tombée dans les bras de Morphée.
C’était un soir comme les autres, vraiment. Mêmes habitudes, même rêve. Je me retrouve dans un monde si faux et si réel à la fois. Un monde sombre mais rassurant, grand mais restreint, agréable et inquiétant.
Je dois toujours marcher un long moment pour arriver à la rivière. Une rivière si limpide et pure, au premier abord du moins.
Si je m’y penche, elle me rappelle, me raconte ma vie. Des objets apparaissent, des objets importants.
Ma première dent, un doudou, une photo. Plus le temps passe, plus le courant s’accélère. Mon diplôme, mon alliance, une rose…
Et puis la lettre. Cette maudite lettre signée « Je t’aime » suivit d’un prénom qui n’est pas le mien. Une serviette recouverte de rouge à lèvres. Un verre brisé. Puis s’enchaînent à une vitesse folle la poêle, un vase brisé, des objets lourds que je ne parviens plus à identifier à cause de mes yeux brouillés de larmes. Je les essuie d’un geste rageur. Le couteau et enfin la batte. Et la rivière se teinte de rouge.
Je fais demi-tour, la tête bourdonnante. Je ne voulais pas voir la suite. Mais mue d’une volonté qui n’est pas la mienne, je me suis retournée et je l’ai vu. Un corps flottant à la surface.
Je me suis réveillée trempée de sueur et de larmes. La respiration a cessé. Elle n’est plus. Je l’ai tué.


Shani Jacquet

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